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(P)rendre

la parole

L'USAGE DE LA BOUCHE

Prendre la parole.

 

Echo prend la parole.

Elle n’ouvre la bouche que si on lui parle.

 

Elle prend - littéralement - la parole de son interlocuteur.

Elle ne commence jamais la conversation.

Elle ne répond jamais par le silence.

Elle ne pose jamais de question.

Elle ne répond jamais autre chose que

ce qu’elle vient d’entendre.

 

Solitaire, Echo est muette.

Prendre la parole... rendre la parole... endre la parole... ndre la parole... dre la parole... re la parole... e la parole... la parole... a parole... parole... arole... role... ole... le... e...

 

Echo, du fond de la grotte, ne répond que par bribes aux spéléologues.

Elle est incompréhensible. Langage souterrain.

 

Dans Les Métamorphoses d’Ovide, je lis :

 

NARCISSE : «N’y a-t-il pas ici quelqu’un ?»

ECHO : «Si : quelqu’un.»

création mars 2016
La Scène - Louvre Lens (59)

 

mise en scène, texte & musique Frédéric Tentelier

 

de & avec

Quentin Conrate / batterie incomplète

Joseph Drouet / voix enregistrée

Patrick Guionnet / vocaliste

Lionel Palun / lumière - vidéo

 

collaboration dramaturgique

Maxence Cambron

durée 35 min

- extrait -
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Grottes sonores

Une chouette. Un bison. Des bâtonnets. Un cheval sans tête. Un bison. Encore une chouette. Puis encore un bison. Restés sans explications pendant des siècles, ces peintures pariétales qui ornent les parois de la grotte du Portel sont en fait un code précis qui établit sa «carte des résonances». Chaque peinture est un repère précisément placé définissant la note dans laquelle «vibre» les couloirs de la caverne.

La grotte, lieu des origines, serait alors le premier instrument de musique mis naturellement à la disposition de l’homme. La grotte, lieu des origines, serait même le lieu où l’humanité pose les premières bases de la création sonore.

 

Spéléologie auditive

La grotte est un lieu hautement symbolique, aux limites indéfinies. Dans une grotte : s’éloigner de l’entrée, c’est s’éloigner de la sortie : plus nous avançons vers le fond, plus nous remontons le temps. Vers les origines.

Il y a la nymphe Echo. Elle ne peut répéter que les derniers mots qu’elle entend. Cachée au fond d’une grotte, son corps dépérit et se transforme peu à peu en pierre. Il ne restera d’elle que sa voix. 

Il y a la résonance. On ne mesure pas une grotte avec ses yeux mais avec ses oreilles. On crie. Puis on écoute la résonance de sa voix qui s’amplifie sur les parois. Le son qui se répercute, s’étire, se répète et se perd finalement dans l’espace souterrain.

Il y a Edouard-Alfred Martel. Père de la spéléologie qui consacra sa vie à l’exploration et à la découverte de la plupart des grottes françaises.

 

Voix obscure

La voix propose nombre de registres, d’effets. Il y a la voix et les différentes techniques pour s’en servir. Mélanger le son direct et le son enregistré, entremêler la voix parlée et la voix chantée c’est brouiller les pistes de l’audition du spectateur. Le plonger dans une perception sonore décalée. Laisser couler le fil du récit entre les voix pour chercher l’étrangeté du son et du sens dans les différents traitements de la vocalité. Il s’agira de mêler un ensemble d'éléments de percussions à des voix résonnantes. Placer sur le même pied d’égalité la voix chantée, la voix parlée, le silence, le timbre, le rythme et l’harmonie.

 

Goutte d’eau

Dessous (P)Rendre la parole, il y a l’histoire de l’humanité racontée à travers le prisme de son audition. L’écho est sans doute l’expérience sonore la plus fondamentale et l’une des plus anciennes qu’est vécue l’être humain. Les Antiques inventent le mythe d’Echo pour s’expliquer ce phénomène acoustique encore aujourd’hui scientifiquement inexplicable.

Entrer dans (P)Rendre la parole, c’est entrer dans une grotte - lieu de silence absolu et de totale obscurité - et se rappeler le son d’une seule goutte d’eau qui se répercute de façon démesurée contre les parois. Cette goutte d’eau, c’est le commencement du rythme et de l’harmonie.

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