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La voix au niveau du

SOL

la trace de mes paroles

Dire je l’ai perdue ma voix.

Dire je ne sais plus chanter c’est trop dur.

 

Oublier la musique de sa langue. Laisser sa langue derrière soi.

J’ai laissé la musique de ma langue derrière moi. Je l’ai oublié.

 

Je ne peux pas chanter : je n’y arrive plus.

 

J'ai la voix trop vieille. La voix trop mauvaise.

Je l'ai perdue ma voix. Je ne me souviens plus d'elle.

 

On ne peut plus l'entendre.

 

Après tout cela : je n'ai plus jamais chanté.

Ma voix mi-close.

création mars 2016
La Scène - Louvre Lens (59)

 

mise en scène, texte et musique 

Frédéric Tentelier

de & avec

Maud Kauffman / soprano - violon

Lionel Palun / lumière- vidéo

Joseph Drouet / voix enregistrée

 

collaboration dramaturgique

Maxence Cambron

durée 35 min

- extrait -
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Pour trouver les Enfers

Au préalable : descendre des marches.

Parce que c’est en bas que cela se passe.

Descendre écouter ce qu’il se passe dessous nous.

En bas, nous nous apercevons que ce qu’il faut écouter se trouve plus bas encore.

Et c’est là : plus bas que bas, que se trouvent les Enfers.

 

Ne flectat retro

Après son chant, on ne lui demande qu’une seule chose à Orphée : ne flectat retro. Ne regarde pas en arrière. On lui rend son Eurydice, on lui dit rentre chez toi avec elle pour finir ta vie tranquillement. Alors il remonte vers la lumière. Eurydice est dans son dos, elle remonte silencieuse. Chacun de ses pas dans ceux d’Orphée. Puis Orphée n’en peut plus : il ne sait plus les détails du visage d’Eurydice, il a oublié ses traits. Il faut qu’il la regarde. Qu’il la voie. Il ne supporte plus l’insoutenable silence de sa bien-aimée. Alors il se retourne, ne serait-ce que pour une seule seconde. Une seconde immensurable car le temps du mythe s’étire dans toutes les directions. Alors descendre dans les profondeurs de la terre est une manière de remonter le temps.

 

Origines

Remonter le temps du mythe. Se pencher sur ses origines. Y aurait-il pour Orphée une autre raison qu’Eurydice de descendre aux Enfers ? Que recherche-t-il dans les profondeurs ? Quelle oreille Orphée porte-t-il sur sa propre voix ? D’où vient sa voix ? Creuse-t-il pour l’entendre différemment ou pour rappeler au monde la fascination qu’elle exerce sur les hommes, les dieux, les pierres ?

Ces questions sont celles que Charpentier posent dans son opéra en éludant la fin du mythe : Eurydice, bien qu’au centre du discours d’Orphée, n’est que le prétexte au chant. Elle est le sujet du long argumentaire d’Orphée, mais une fois récupérée, il sort. Le livret pouvant presque entendre il sort « seul ».

 

Pour retrouver la surface

Il n’est pas question de retour à la surface dans l’opéra de Charpentier car on ne remonte pas des Enfers. Quand on y est, on y reste. On ne raconte pas ce que l’on a vu dans le monde des morts.

Nous sommes dessous le sol. Ici, pas de lave en fusion, pas de démon armé de fourche, pas de fumée... Mais un monde décalé et altéré. Des voix perdues entre la surface et les profondeurs nous guident dans les méandres du mythe. Elles s’adressent aux ombres qui lui font face. Elles sont parfois lointaines. Nous tentons de les suivre.

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